Salles en Beaujolais

dimanche 16 octobre 2022

Que n’a t’on déjà dit et écrit au sujet de Salles. Un vieux curé de Salles a légué, en 1873, à ses successeurs., un manuscrit très précieux sur le prieuré de Salles, d’autant plus précieux que l’abbé Laurent a habité Salles, de 1830 à- 1873, année de sa mort. Il a connu quelques dames de Salles qui habitaient encore leur ancienne maison dans la cour du chapitre où, avant la Révolution, elles avaient été jeunes chanoinesses. Ce manuscrit s’appuye sur des documents authentiques appartenant au presbytère de Salles dont M. Méhu, architecte à Villefranche, vient d’entreprendre la
publication.

La paroisse de Salles sous le vocable de Saint- Martin est une des plus anciennes du Beaujolais. Sa position, dans un charmant vallon, où coulent, avec le Sallerin, de nombreuses sources intarissables, la richesse de son sol en font un des plus jolis sites du pays. Mais ce qui doit surtout y attirer l’archéologue et le touriste, c’est son vieux chapitre des dames nobles. Qui n’admirerait son vieux cloitre roman, son clocher aux délicates colonnettes, sa cour d’honneur qui porte encore, dans la régularité de son tracé, quelque chose de la majesté de l’ancien régime ! Salles est l’un des villages du Beaujolais qui nous offre le plus d’intérêt au point de vue de l’histoire. Ce n’était qu’un tout petit hameau au XIe siècle quand les moines de Cluny vinrent y fonder un prieuré simple sous la protection des Humbert de Beaujeu, seigneurs suzerains et maîtres de toute la province. Une fois fixés dans cette paroisse, les Bénédictins furent chargés de la desserte. Or cet ordre avait en Dombes, depuis le XIIIe siècle, dans l’ile de Grelonges, au baron de Fléchères près Messimy, sur les bords de la Saône, une maison de dames bénédictines, qui, menacées des inondations de la rivière, durent se réfugier à Salles, aux lieu et place des moines qui n’y laissèrent, en 1301, qu’un prieur et un sacristain. On construisit une voûte dans la nef de l’église pour supporter le nouveau choeur des dames. Cette voûte ne fut démolie qu’en 1870.

Qu’étaient donc, dans l’origine, ces dames de Grelonges ? C’était, dit un manuscrit authentique, une société de dames nobles, protégées par les sires de Beaujeu, enrichies de leurs libéralités, qui se réunissaient pour vivre en commun, sans être assujetties ni à un voeu ni à une clôture.
Du reste on a la preuve de leur noblesse dans ce fait qu’en dame Eléonore de Beaujeu, fille de Guichard le Grand et d’Eléonore, princesse de Savoie, était au nombre des dames de Salles. Elles se sont maintenues dans cet état d’indépendance jusqu’en 1647. A cette date, l’abbé de Cluny voulut les assujetir à un règlement religieux et les menaça de les transférer à Lyon. Ces dames, alors, dans la crainte de quitter Salles, consentirent à devenir chanoinesses régulières, de séculières qu’elles étaient. Cette espèce de réforme, jointe à l’incendie des archives de cette maison, en enleva au chapitre son ancienne splendeur. Mais, en Mme de Ruffey, prieure de Salles et fille d’un prébendier au Parlement de Dijon, obtint du roi des lettres patentes qui exigeaient, pour l’admission au chapitre de Salles, des preuves de neuf degrés de noblesse du côté paternel, et fit réparer l’église et le chapitre qui étaient tombés dans un véritable état de délabrement. Ces réparations donnèrent lieu à un procès curieux porté à Lyon par les habitants de Salles qui craignaient de voir les chanoinesses invoquer ensuite ces réparations pour s’emparer de leur église. Un arrangement eut lieu ; les dames du chapitre s’engageaient à faire construire une église indépendante à l’usage des habitants. C’est alors que l’architecte Désarnod entreprit son grand projet que. la Révolution vint interrompre et dont il reste aujourd’hui la cour d’honneur, la grille et les pavillons, les fossés, les maisons des dames qui entourent la cour et probablement les tournelles de Laye.
Malheureusement on a laissé horriblement mutiler toutes ces constructions si curieuses. Actuellement, les salles situées au-dessus du cloître servent de greniers et le jour viendra bientôt où les planchers s’effondreront sur le cloître, abandonné lui aussi aux tonneliers et aux vignerons. Mais on peut juger de l’effet monumental qu’eût produit le projet de Désarnod, par le coup d’oeil si curieux qu’il présente encore avec son point de vue idéal s’étendant jusqu’à Montmerle et l’avenue splendide qu’on ménageait au chapitre jusqu’à Blaceret.

Telles sont les constructions ’si intéressantes que le promeneur trouvera dans sa visite à Salles et qui ne peuvent manquer de le retenir.

Salles en Beaujolais

Source

Virès, Pierre (1856-1912). Auteur du texte. En Beaujolais : "Villefranche-Tarare, Villefranche-Monsols, Lozanne-Paray-le- Monial" / Berlot-Francdouaire.... 1904


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